Il y a deux ans jour pour jour, le Gabon vivait un basculement historique. En quelques heures, un demi-siècle de pouvoir dynastique s’effondrait, emporté par une dynamique militaire inattendue, saluée par une large frange de la population. Le 30 août 2023, au petit matin, les militaires, menés par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, prenaient le contrôle de l’appareil d’État, annonçant la fin du régime Bongo, dont les résultats électoraux fraîchement proclamés étaient déjà contestés.
Ce que certains ont appelé « coup d’État » fut, pour d’autres, un coup de libération. Car pour nombre de Gabonais, cette intervention représentait moins une rupture militaire qu’un acte de salut national. Deux ans plus tard, l’heure est au bilan. Que reste-t-il de cette promesse de renouveau ? Que s’est-il vraiment passé ce 30 août, et où va le Gabon désormais ?
Une rupture brutale, mais attendue
L’élection présidentielle d’août 2023, censée ouvrir un nouveau cycle politique, a été perçue par une majorité comme un énième détournement de la volonté populaire. La proclamation rapide de la victoire d’Ali Bongo, malgré des signes évidents de rejet populaire, a été la goutte de trop. À Libreville, comme à l’intérieur du pays, les citoyens ont ressenti un profond sentiment de dépossession.
C’est dans ce contexte de frustration démocratique aiguë que les militaires ont décidé d’agir. L’acte, d’abord accueilli avec prudence à l’étranger, a rapidement trouvé un écho favorable au sein d’une population exaspérée par une gouvernance jugée inefficace, déconnectée et opaque.
Le pari de la transition
Dès sa prise de fonction à la tête de la Transition, le général Oligui Nguema a endossé une double responsabilité : stabiliser le pays et préparer le retour à un ordre constitutionnel légitime. Une mission aussi délicate qu’essentielle. Dans les mois qui ont suivi, des assises nationales ont été convoquées, des réformes enclenchées, et un discours nouveau, plus inclusif, s’est installé dans l’espace public.
Mais au-delà des mots, ce sont les actes qui comptent. Réduction des privilèges au sommet de l’État, lutte contre la corruption, réformes institutionnelles : les chantiers sont nombreux. Certains avancent lentement, d’autres suscitent des résistances. Mais dans l’ensemble, la transition a su éviter les dérives souvent observées dans d’autres contextes similaires sur le continent.
Une nouvelle République en gestation
Le 30 août 2025 coïncide avec les derniers réglages du passage à la Cinquième République gabonaise. Un changement symbolique, certes, mais aussi institutionnel. Le message est clair : le cycle de la prédation, de l’impunité et du clientélisme doit laisser place à un État moderne, responsable et centré sur le citoyen.
Sous l’impulsion du général-président, que certains surnomment déjà « le Libérateur », le pays veut tourner la page de l’hégémonie familiale. Une ambition forte, qui suppose toutefois de renforcer les contre-pouvoirs, d’encourager une société civile vivante, et surtout, de respecter les échéances démocratiques promises.
Leçons et vigilance
L’histoire récente du Gabon nous enseigne que la souveraineté populaire n’est jamais acquise, mais qu’elle peut être arrachée, parfois dans des conditions extraordinaires. Cette séquence rappelle également l’importance d’un contrat social renouvelé, où les gouvernants rendent compte, où les citoyens participent, et où les institutions jouent pleinement leur rôle.
Si la transition a permis un certain apaisement, elle ne saurait être une fin en soi. Le véritable défi réside dans l’ancrage durable de la démocratie, dans la lutte contre les inégalités, et dans la restauration de la confiance entre le peuple et ses dirigeants.
Le 30 août 2023 a marqué la fin d’un cycle, celui d’une gouvernance figée, jugée illégitime par une grande partie des Gabonais. Deux ans plus tard, une nouvelle ère semble s’ouvrir, faite d’espoirs, d’attentes, mais aussi de défis majeurs. Il revient désormais à ceux qui tiennent les rênes du pouvoir de ne pas trahir cet élan populaire.
Le peuple gabonais, qui s’est levé comme un seul homme ce matin-là, attend plus qu’un changement de visages : il attend un changement de pratiques.
MABIMBA Joseph Keurtys D
Journaliste Citoyen, Directeur de publication, Consultant MCCA
Membre de l’UPF section Gabon
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