Depuis plusieurs semaines déjà, le ministère des Transports est en proie à d’importantes turbulences. À l’origine, des décisions de Brice Constant Paillat, ministre de tutelle, que de nombreux cadres jugent soit inappropriées, cavalières ou simplement aux antipodes des règles les plus basiques en matière de gestion des administrations publiques.
La dernière en date, une note de service prise par le membre du gouvernement, laquelle fait de Guy Patrick Ekome Nzeng le nouveau directeur intérimaire du bureau d’enquêtes sur les incidents et accidents d’aviation (BEIAA).
Un énième égarement, que les juristes non pas manqué de faire observer. « Brice Constant Paillat vient de démontrer sa méconnaissance des fondamentaux en matière de gestion des administrations publiques. Le chef de l’État nomme par décret. Le ministre décide par un arrêté, et les notes de service sont les actes par lesquels les secrétaires généraux, les directeurs, les chefs de service font fonctionner une administration. Comment le ministre peut-il nommer un directeur fut-il intérimaire par une note de service ? C’est du jamais vu », s’étonnent les agents.
Loin d’être le seul grief, les professionnels de l’aviation civile relèvent de nombreuses irrégularités à ce qu’ils considèrent tous comme une « parodie de nomination ».
« Nous nous demandons si le ministre a consulté les textes et procéder à une enquête de moralité, avant de nommer le nouvel intérimaire », s’interrogent-ils pantois.
La loi énonce des critères spécifiques pour devenir directeur du bureau d’enquêtes.
L’enquête technique doit être, selon les dispositions du décret n°000235, portant réorganisation du Bureau d’Enquêtes, titulaire d’un diplôme d’enquêteur technique d’aviation conformément à l’annexe 13 de l’OACI. Il doit être certifié niveau 4 ou 6 dans un centre aéronautique. Il doit être assermenté, pour être en mesure d’engager l’État en cas d’incident et accident d’aviation.
De sources concordantes au ministère des Transports, Guy Patrick Ekome Nzeng est loin de répondre à ces critères. « Guy Patrick dit avoir fréquenté en URSS et être titulaire d’un diplôme dans l’aviation civile. Sauf que personne n’a jamais vu son diplôme d’origine », assurent-elles.
« Est-ce que le ministre se rend compte de la gravité d’une telle décision ? Un secteur aussi sensible que le nôtre, décidé, parce que mue par son égo, de porter à la tête d’une administration comme celle-là quelqu’un qui n’a pas les critères requis. Si jamais un accident d’avion arrivait au moment où le nouvel intérimaire est en poste, qui conduira l’enquête ? Guy Patrick ? Est-ce que vous vous rendez compte ? », S’indigne un technicien de l’Anac.
« Il y a dans cette parodie de nomination un point auquel le ministre semble n’avoir pas tenu. Un intérimaire doit être de l’administration. Or, monsieur Guy Patrick Ekome Nzeng exerce à l’inspection générale. Il n’est pas du BEIAA, comment le ministre a pu ignorer ces fondamentaux », s’interroge un juriste.
Outre les irrégularités pointées à la fois par les agents du BEIAA et ceux de l’Anac, d’aucuns ressortent une série d’éléments assez intrigants.
« À l’époque du secrétariat général de l’aviation civile, l’ancêtre de l’Anac, ce monsieur a été au cœur de plusieurs scandales. La vente de la licence de pilote. À la direction des Transports terrestres, en qualité de DGA2, il a été accusé de procéder à la délivrance de certains documents liés à la circulation. Est-ce que le ministre est au courant de tout ceci ? », révèle une source à l’Anac.
Choqués, les techniciens de l’aviation civile crient au scandale : « le ministre a été très léger sur ce coup. Il aurait dû s’appuyer sur le Code de l’aviation civile et sur le décret n°000235. Il y a des contours juridiques qu’il lui ont échappés », observent-ils.
Avant de conclure : « si le monsieur ne répond pas aux critères, il est clair que cette nomination sera attaquée au Conseil d’État, en vu de surseoir la prise de service de monsieur Guy Patrick Ekome Nzeng, sous réserve de faire la lumière sur les critères exigés », déclare un juriste.
Agnès Limori
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