À quelques jours de la fin de la campagne référendaire sur le projet de nouvelle Constitution, et au-delà des arguments des partisans du « Oui » et du « Non », il m’incombe, en tant qu’acteur citoyen, de donner ma position sur cette question.
De prime abord, comme le disait Albert Camus dans Lettres à un ami allemand, face à la grandeur d’un homme, il est préférable de défendre les valeurs de justice et de vérité. C’est fort de cette conviction que ma position pour le « Oui » ou le « Non » ne repose pas sur la considération d’un individu, quel qu’il soit, mais sur l’avenir de notre nation, le Gabon.
En effet, pour paraphraser Diderot, notre rôle en tant qu’ »intellectuels » est d’éclairer les consciences, non de les contraindre.
En effet, pour paraphraser Diderot, notre rôle en tant qu’ »intellectuels » est d’éclairer les consciences, non de les contraindre.
Ainsi, s’agissant du référendum du 16 novembre 2024, j’invite les Gabonaises et Gabonais attachés aux valeurs démocratiques et républicaines à voter « NON » au projet de Constitution proposé. Avant de justifier cet appel à voter « Non », il convient de rappeler le principe jurisprudentiel du « bilan » (Cf. C.E., Assemblée, 28 mai 1971, Ville Nouvelle Est). Ce principe, ou « théorie du bilan », consiste pour chaque Gabonais à évaluer les avantages et les inconvénients du projet de Constitution, tant en termes quantitatifs que qualitatifs.
Dans ce cas précis, et pour résumer le débat, sur les 173 articles du projet de Constitution, 5 articles posent problème et justifient mon opposition à ce texte. Il s’agit des articles suivants : 41, 53, 69, 172 et 173.
À la lumière des dispositions des articles 41, 53 et 69, on observe l’institutionnalisation d’un exécutif monocéphale, avec un « Président-Roi » ou un « Roi-Président ». Autrement dit, le Président de la République devient le détenteur suprême du pouvoir exécutif. Pour reprendre les mots de mon maître, feu le Docteur Ndong Obiang, le Président de la République, en plus d’être la clé de voûte des institutions, se présente comme l’alpha et l’oméga en toutes choses. En d’autres termes, il s’agit ici de la constitutionnalisation d’un « Président-Roi » ou d’un « dieu de la terre ».
Enfin, en permettant la coexistence de l’article 43, qui encadre les conditions d’éligibilité du Président de la République, avec la Charte de la Transition, le « constituant » crée ce que le professeur Jean Rivero appelle un « lézard juridique ». En effet, la Charte de la Transition ne reconnaît formellement que la Constitution du 26 mars 1991. Cela soulève des questions quant à la primauté entre la Charte de la Transition et les nouvelles dispositions constitutionnelles d’application immédiate, ou encore sur la compétence de la Cour constitutionnelle de la Transition pour examiner les effets d’une Constitution dont l’application intégrale est différée.
En somme, le projet de Constitution soumis au peuple gabonais constitue un véritable recul démocratique, car il concentre tous les pouvoirs entre les mains d’un « dieu de la terre ». Avec ce projet, il ne restera plus de place pour une cohabitation politique et juridique. Dès lors, quel sera l’intérêt d’organiser des élections législatives ?
Rolly Alain Djila
Juriste publiciste
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