Dans son bureau, des livres bien sûr, mais aussi des portraits de plusieurs Chefs d’État africains dont celui du Président de la République Ali Bongo Ondimba. Déficits budgétaires récurents, emprunts convulsifs, situation des PME, dette intérieure de l’État, Francis Jean Jacques EVOUNA, Président du Conseil Gabonais du Patronat ( CGP ) répond sans langue de bois aux questions d’actualités de l’heure……
G9INFOS Les Gabonais constatent depuis quelques temps des emprunts répétitifs de l’État chez les bailleurs de fonds, quelle lecture en faites-vous ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez sur ma modeste personne, en sollicitant mon avis sur l’actualité de l’heure dans notre cher pays le Gabon. Ceci dit, avant de répondre de façon précise à votre question que se pose aussi bon nombre de nos compatriotes, je suis inspiré par le philosophe et économiste Écossais Adam Smith au sujet de l’endettement des États qui n’est pas un phénomène nouveau, mais s’en inquiétait déjà de sa croissance en 1776. À la source de l’endettement contemporain, se trouve la crise de l’état Keynésien. Tout au long de l’après guerre, on a cru qu’un déficit public était une bonne chose parce que l’on pensait qu’il stimulait l’activité économique et que la croissance ainsi générée allait automatiquement remplir les caisses de l’État en retour. Mais avec la crise des années soixante-dix, cette mécanique s’est grippée et les déficits n’ont donc pas eu les effets escomptés, ils se sont plutôt accumulés sous forme de dette. Venant ainsi à votre question, lorsqu’un État comme le nôtre a des déficits budgétaires qui se succèdent, voire, se cumulent, il est obligé d’emprunter pour les financer. Les déficits cumulés constituent la dette de l’État, plus ces déficits persistent, plus l’État doit s’endetter ultérieurement, pour rembourser ses dettes. Il y a effectivement un seuil jusqu’où l’État ne doit pas franchir pour éviter que son niveau d’endettement ne pose problème ou ne l’amène sur la voie d’une banque route, celui de notre pays le Gabon se situe actuellement au alentour de 73 % du PIB en cette année 2020, contre 60% en 2019. C’est pourquoi, vous remarquez que les Agences de notations telles que : Moody’s, Standard & Poor et Fitch Rating, attirent souvent l’attention des États quand le risque de défaut de remboursement devient perceptible. Fitch Rating a pour cela dégradé la note du Gabon par rapport à sa dette souveraine de B à CCC, en cette année 2020, c’est une alerte sérieuse. Il convient de noter que le niveau d’endettement qu’il ne faut pas atteindre se situe entre 90 et 100% du PIB, nous n’y sommes pas encore mais il ne faut pas non plus s’en contenter. Je pense que notre pays reste encore un peu solvable auprès des bailleurs de fonds, qu’ils soient institutionnels ou privés. En revanche, il faut que l’État évite, l’effet boule de neige, c’est à dire, qu’il ne faut pas que le taux d’intérêt de ses multiples emprunts qui constituent la plus grosse partie de sa dette de l’État soit supérieur au taux de croissance, car la dette va automatiquement augmenter et rendre hypothétique son remboursement. Il me semble que vous avez déjà entendu le gouvernement gabonais demander l’annulation purement et simplement de sa dette extérieure auprès des bailleurs de fonds.
G9INFOS: Le gouvernement parle de soutien aux PME, quelle est véritablement la situation aujourd’hui de celles-ci, Avez vous des pistes de solutions pour la relance économique ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Je voudrais me permettre de vous rappeler que le premier choc pétrolier a été l’occasion de découvrir et de reconnaître le rôle des petites et moyennes entreprises dans les économies développées, en particulier dans le domaine de l’emploi. Leur capacité à s’adapter aux mutations qui sont résultées de cette grave crise a été mise en évidence. Les PME font dans tous les pays du monde aujourd’hui, l’objet d’une attention toute particulière des pouvoirs publics, sauf malheureusement au Gabon où le gouvernement les snobe en ne tenant pas compte de cette réalité économique, et en ne mettant pas en place de véritables outils ou mécanismes probants, voire, efficaces pour un soutien sans réserve en leur faveur. Les PME sont abandonnées à elles-mêmes, elles sont marginalisées, elles sont exclues des circuits financiers et de marchés. Beaucoup d’entre elles ont déposé le bilan. Elles ne sont presque pas associées aux grandes discussions et décisions économiques qui les concernent car, il y a plusieurs structures patronales PME, le CGP est parfois invité de façon sporadique, mais il ne peut malheureusement tout faire, tout seul. Les PME sont un facteur de compétitivité dans la bataille économique que les pays qui les soutiennent se livrent, se sont elles qui créent les richesses et les emplois. Si vous m’auriez suivi dans les colonnes de vos confrères, vous aurez puis vous rendre compte, qu’il y a plusieurs pistes de solutions que j’ai déjà proposé, partant de l’apurement total de la dette intérieure de l’État envers elles, à l’élaboration de la loi sur la modernisation de l’économie, de la loi sur la cohésion sociale, de la révision de la politique fiscale qui reste encore trop coercitive, dogmatique, voire, punitive, de la révision du code des marchés qui ne tient pas compte de la taille de l’entreprise etc. Et évidemment, à la mise en place par l’État d’une société de capital-risque pour la garantie auprès des banques qui restent encore très frileuses dans le domaine de financement du segment des PME, et c’est une véritable équation importante à résoudre relativement à leur accès aux crédits de notre système bancaire actuel. Encore une fois, il n’y a manifestement pas de volonté politique claire de la part du gouvernement, malgré les très hautes instructions de Monsieur le Président de la République, Chef de l’État et même les conseils de nos partenaires au développement en la matière. Pour relancer l’économie, le gouvernement devait choisir une politique budgétaire de relance puisque par ailleurs, il est à la fin du Plan de relance qu’avait approuvé le FMI en 2017 pour un montant de 642 milliards de dollars au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC). Or, il a fait le choix d’une politique budgétaire restrictive également appelée austérité ou rigueur budgétaire. Le gouvernement à travers cette loi des finances rectificative 2020, qui voit la Loi des Finances initiale qui était établie à 3330,774 milliards de FCFA en recettes et en dépenses amputée de 9% de sa valeur, soit un gap de 283.627 milliards de FCFA pour s’établir à 3047,146 milliards de FCFA. Il va falloir que le gouvernement trouve des fonds pour équilibrer son budget afin qu’il soit conforme à la loi. J’ai la conviction qu’il faut mettre en place un vrai fonds de soutien aux PME au titre des pistes de solutions. D’ailleurs, j’ai toujours pensé que celui-ci devrait intéresser les bailleurs de fonds qui soutiennent notre pays dans sa marche vers le progrès. Il faut concevoir un plan de sauvetage de l’économie gabonaise pour sortir de la récession dans laquelle nous nous enfonçons et qui est liée à la crise sanitaire en cours due au Covid-19, qui est venue contredire les prévisions macroéconomiques des pays où elle sévit. Enfin, pour clore sur cette question, je voudrais vous dire : « qu’il n’y a pas plus sourd, que celui qui ne veut pas entendre ».
G9INFOS : Pensez vous que les politiques engagées par le gouvernement qui semblent restrictives ne vont pas totalement asphyxier les PME ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Je pense que vous faites allusion à la loi des finances rectificatives 2020 qui est en cours d’examen pour son vote au Parlement et certainement pour avis au Conseil Economique Social et Environnemental. Effectivement, je constate que le gouvernement fait le choix d’une politique budgétaire restrictive également appelée austérité ou rigueur budgétaire, car il décide de réduire les dépenses publiques et d’augmenter les recettes provenant des impôts et des taxes. Mais il y a deux conséquences à ce type de budget. La première est que la demande va baisser étant entendu que les ménages vont recevoir moins d’aides sociales. La seconde conséquence de cette politique budgétaire restrictive sera que cette baisse va impacter sur les entreprises par le fait qu’elles peuvent être tentées une augmentation des prix de leurs marchandises et le gouvernement qui régule l’activité économique voudra limiter le risque d’inflation et peut-être aussi, éviter une surchauffe économique supplémentaire, avec la survenue la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a bouleversé toutes les prévisions économiques de l’année 2020. Pour les entreprises de façon générale et des PME en particulier, l’apurement de la dette intérieure de l’État vis à vis d’elles doit pouvoir être liquidée. Cette loi des finances rectificative 2020 dans certaines de ses dispositions, est conçue pour vraiment les asphyxier totalement. C’est une horreur fiscale, pas seulement à cause du taux élevé d’imposition qu’elle va engendrer et qui va impacter les revenus des ménages et les entreprises comme je venais de vous le dire, mais parce que c’est tout un système qui sera déréglé, incohérent, opaque et, sera plus injuste.
G9INFOS : Votre mot de fin ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Je voudrais terminer, en invitant le gouvernement à apurer entièrement sa dette intérieure vis à vis des entreprises et particulièrement des PME, pour permettre un choc de compétitivité que les économistes appellent un « choc de compétitivité-coût » donc le pays a besoin pour relancer l’économie en lui donnant un coup de fouet. Il faut rapidement mettre en place et par anticipation, un plan de sauvetage économique pour sortir notre pays de la récession dans laquelle la crise sanitaire due au Covid-19, nous plonge. Notre pays dispose d’économistes suffisamment outillés pour accomplir une telle mission exaltante.
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