Le président de la République, Ali Bongo Ondimba, pourrait, dans quelques heures, déclarer l’état d’urgence dans le pays, afin d’endiguer la propagation du Covid-19. Le Gabon a jusqu’à présent confirmé 44 cas de patients testés positifs au coronavirus et un décès. Le gouvernement gabonais redoute de nouvelles infections et une augmentation du nombre des décès dans les prochaines semaines. Pour Louis Patrick Mombo, plusieurs questions se posent sur la nécessité de décréter un état d’urgence. Dans cette tribune libre, le secrétaire général du SEENA ( Syndicat des enseignants de l’éducation nationale ), met en garde contre les dérapages déjà constatés depuis le début du confinement.
» Afin que nul n’en ignore ! Pour cause du COVID-19, depuis quelques jours il est demandé au président de la République de prendre un décret aux fins de proclamer l’état d’urgence. L’article 25 de la constitution de la République gabonaise dispose : » le président de la République peut , lorsque les circonstances l’exigent , après délibération du conseil des ministres et consultation des bureaux de l’Assemblée Nationale et du SÉNAT, proclamer par décret l’état d’urgence ou l’état de siège, qui lui confèrent des pouvoirs spéciaux, dans des conditions déterminées par la loi.
» Qu’est ce que l’état d’urgence ? L’état d’urgence est une mesure prise par un gouvernement en cas de péril imminent dans un pays . Certaines libertés fondamentales peuvent être restreintes , comme la liberté de circulation ou la liberté de la presse. Que dit le droit international à ce sujet ? L’article 4 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de L’O.N.U de 1966 régule au niveau du droit international l’état d’urgence . Il dispose en particulier que : » 4.1 Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel , les États parties au présent Pacte peuvent prendre , dans la stricte mesure où la situation l’exige , des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le Présent Pacte , sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race , la couleur, le sexe, la langue , la religion ou l’origine sociale.(…). 4.3 Les États parties au présent Pacte qui usent du droit de dérogation doivent , par l’entremise du Secrétaire Général de L’organisation des Nations Unies , signaler aussitôt aux autres États parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation . Une nouvelle communication sera faite par la même entremise , à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dérogations. ». Le comité des droits de l’homme de L’O.N.U peut examiner les éléments constitutifs du danger public invoqué et éventuellement solliciter l’élaboration des rapports spéciaux . Il a élaboré en 1981 une déclaration relative à l’interprétation de cet article. l’Égypte , entre autres ,a ainsi été à plusieurs reprises épinglée pour son état d’urgence continu depuis au moins 1981. La proclamation de l’état d’urgence ne permet pas de déroger à certains droits fondamentaux et interdictions absolues , dont en particulier le » droit à la vie », l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ,cruels et dégradants , l’esclavage et la servitude et la » liberté de penser, de conscience et de religion ».
À la lecture de ce qui précède, plusieurs interrogations se posent. Les circonstances actuelles de la pandémie du COVID-19 au Gabon justifient-elles la proclamation de l’état d’urgence ? Au regard des dérapages déjà constatés depuis le début du confinement et pour faire respecter le couvre feu, les mesures barrières de la part des forces de l’ordre et des agents municipaux, cet état d’urgence ne va t-il pas favoriser les violations permanentes et récurrentes des libertés et droits fondamentaux ? Cet état d’urgence qui serait décrété , est – il en phase avec le droit international ? Nous disons non, à la violation des libertés et droits fondamentaux « ..
Louis Patrick MOMBO, Secrétaire Général du SEENA.
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