Le phénomène prend de l’ampleur à une vitesse fulgurante : chaque jour, des milliers de groupes WhatsApp sont créés au Gabon, dédiés à une activité aussi controversée que florissante — le « placement » de filles dans les neuf provinces du pays. À première vue, ces forums virtuels fonctionnent comme des espaces d’échange entre hommes en quête de rencontres tarifées et jeunes femmes prêtes à se déplacer pour répondre à leurs besoins. Mais derrière cette façade bien huilée se cache une réalité bien plus complexe, où arnaques, désillusions et dénonciations publiques se multiplient.
Une activité souterraine bien organisée
Derrière l’écran, tout semble rodé. Des administrateurs, souvent anonymes, créent des groupes éphémères aux noms évocateurs : Placements VIP, Rendez-vous express, Filles en tournée, etc. On y retrouve des numéros de jeunes femmes, leurs photos, parfois même leurs « tarifs » et leurs zones de couverture : « Libreville et alentours », « Franceville express », ou encore « Tournée Port-Gentil ce week-end ». Les filles sont souvent présentées comme disponibles à tout moment, prêtes à se rendre chez les clients en échange d’un transport ou d’une avance.
Mais dans les coulisses, l’activité du « placement » est loin d’être un long fleuve tranquille.
Des arnaques qui se répètent
La principale plainte des hommes présents dans ces groupes, relevée par l’enquête de G9Infos, est celle du « transfert sans suite ». Le scénario est presque toujours le même : un homme entre en contact avec une fille via le groupe, une entente est conclue, puis la jeune femme exige de recevoir de l’argent pour le taxi. Une fois l’argent envoyé par mobile money, plus de nouvelles.
Des témoignage accablants circulent dans les groupes :
« Si c’est celle qui vient de parler là, ne lui envoyez jamais l’argent, elle ne viendra jamais. C’est pas normal. Hier je lui ai envoyé l’argent, on avait convenu qu’elle vienne me trouver là où je suis, mais elle me raconte des bêtises. Donc si elle vous demande de l’argent, n’envoyez jamais ! »
— A pesté un client visiblement floué sur un forum WhatsApp très actif.
« Bonsoir à tous, lorsque vous créez vos groupes de placement soyez un peu crédibles. Vos femmes escrocs que vous mettez dans vos forums escroquent les gens. Elles nous demandent de l’argent du taxi mais elles ne viennent jamais. Si vous avez besoin de l’argent, allez travailler, arrêtez d’embêter les gens ! »
— S’indigne un autre utilisateur excédé.
Une pratique tolérée mais de plus en plus décriée
Face à la multiplication de ces cas, certains administrateurs de groupes commencent à instaurer des règles strictes : blacklists de filles signalées comme « arnaqueuses », limitations d’envois d’argent sans preuve de déplacement, voire suspension des discussions si une plainte est jugée sérieuse. Mais dans un univers aussi mouvant, les escrocs changent rapidement de numéro ou de pseudo et réapparaissent ailleurs.
De leur côté, certaines filles se défendent, dénonçant les attitudes déplacées de certains clients ou le non-respect des ententes, dans un jeu d’accusations réciproques qui complique tout encadrement du phénomène.
Vers une banalisation d’un système parallèle
Ce que révèle cette prolifération des groupes de « placement », c’est surtout l’émergence d’un marché parallèle du sexe au Gabon, facilité par la technologie, mais dont les règles sont dictées par l’opacité, l’anonymat et l’absence totale de cadre légal. À la frontière de la prostitution, de l’escroquerie et du désespoir économique, cette pratique inquiète autant qu’elle interroge.
Combien de temps encore cette zone grise prospérera-t-elle sur les plateformes de messagerie sans réaction des autorités ? Et surtout, combien de jeunes filles et de clients continueront à se piéger mutuellement dans cette spirale où chacun espère gagner, mais où tout le monde finit souvent par perdre ?
À suivre sur G9Infos.com : une plongée dans les coulisses de ces groupes, des témoignages exclusifs et le point de vue des autorités.
Laisser une Réponse